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Accueil du site / A la une... / Populations contaminées en Polynésie : un dossier explosif

La Polynésie française contaminée par les essais nucléaires

Après y avoir réalisé 17 tests -aériens et souterrains- la France quitte le Sahara et installe le CEP (Centre d’Expérimentation du Pacifique) et procèdera à 46 essais atmosphériques et 147 sous les atolls. Au total les Polynésiens et les îles ont été, entre 1966 et 1996, soumises 297 fois à des radiations ionisantes. Le livre « Toxique » a été publié aux PUF dans lequel l’enquête de Disclose et des chercheurs exposent les faits, notamment pour 3 essais en atmosphère, refont les calculs et mettent en évidence la désinformation organisée concernant les populations et territoires exposés.

Des tirs mal évalués…présentés comme propres…des populations exposées…

Et pourtant, l’atome s’est disséminé partout Aldébaran, premier essai en atmosphère, 02 juillet 1966 : le plus contaminant, les vents entraînent le nuage radioactif vers les Gambier où vivent 61 enfants de moins de 8 ans et 450 adultes. Tout est contaminé (denrées alimentaires, eau, sol). La population ne dispose pas d’eau courante et consomme l’eau de pluie source complémentaire de contamination interne qui n’a pas été prise en compte dans le rapport. Lors des essais suivants la contamination a continué, en février 2020, un document du Ministère de la santé polynésien sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires français reconnait un « cluster » de cancers thyroïdiens aux Gambiers.

Encelade, 24ème essai, le 12 juin 1971, une fois encore les vents poussent le nuage vers des zones habitées. Tureia, une île au cÅ“ur d’une zone interdite, dont les habitants n’ont pas, comme pour d’autres îles de cette zone, été évacués avant le tir. « Dans la nuit du 12 au 13 juin 1971 les pluies chargées de particules radioactives se répandent sur les habitations, c’est le pire scénario, les militaires le savent mais ils n’alertent pas les insulaires…. Le 10 août un rapport confidentiel rapporte la présence de produits de fission frais dans les aliments et l’eau de boisson qui est la principale source de contamination interne des habitants. » (Texte « Toxique » cité plus haut). Des doses d’iode 131 équivalentes à 56 mSv sont calculées pour des enfants de 1 à 2 ans.

Centaure, 41ème essai en atmosphère le 17 juillet 1974, cette fois les vents poussent le nuage qui après avoir survolé d’autres îles, atteint 40h plus tard l’île de Tahiti. Les habitants n’ont pas été alertés et les autorités, bien qu’au courant, ne confinent pas les habitants. 110 000 personnes ont été exposés à des doses supérieures à 1 mSv, dose qui leur permet d’être reconnus comme victimes des essais nucléaires. Les doses indiquées par les autorités sont sous estimées de 40% car le CEA ne calcule la dose efficace en fonction des dépôts du premier jour or les dépôts pont continué pendant au moins 3 jours. Certains points les plus contaminés n’apparaissent pas sur la carte de l’île du CEA.

carte issue du livre "Au nom de la Bombe" ed Delcourt

Des évaluations fausses…ou contestées… une réalité inquiétante Les Polynésiens, environ 110 000 personnes, ne disposent pas des données médicales nécessaires ni des informations suffisamment précises pour estimer les doses reçues. Plusieurs causes soulignées par « Disclose » dans « Moruroa stories » : les manques dans le recueil des informations sur 80% du territoire, erreurs de calculs dues à des appareils défaillants, dosimètres présentant une marge d’erreur de 50% (ex Mesures lors du tir d’Encelade en 1971) etc… Or c’est sur ces données fausses ou faussées que le CIVEN (Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires) s’appuie pour examiner les dossiers. Les auteurs de l’enquête (fruit de 2 ans de travail) estiment que les doses reçues sont 2 à 10 fois supérieures aux estimations établies par le CEA en 2006 pour les habitants des Gambiers, Tureia et Tahiti. Trois jours après la publication de Disclose, le CEA (Centre Etude Atomique) publie un communiqué parsemé de contre vérités et d’approximations notamment en s’appuyant sur un prétendu rapport de l’AIEA (Agence Internationale sur l’Energie Atomique). L’AIEA se défend d’avoir pu les vérifier puisqu’à cette date elles étaient classées « secret défense ». Les arguments sont démontrés point par point par « Disclose » dans un article de la revue en ligne.

Remarques : Bruno Barillot, mort à Papeete d’un cancer en 2017, a longtemps enquêté sur les essais atomiques au Sahara et en Polynésie a publié ouvrages, articles, face au déni du gouvernement au sein de l"Observatoire des armements". Ses archives ont été mis à disposition de Disclose.

Une loi « Erom » en 2017 a facilité les requêtes des Vétérans de l’armée et du CEA mais pour les Polynésiens c’est le parcours du combattant. A l’heure actuelle 506 personnes ont été indemnisées dont 63 Polynésiens par le CIVEN commandé, créé, financé par le ministère des Armées.

A voir aussi un documentaire de Larbi Benchiha "Bons Baisers de Moruroa"

Voir en ligne Disclose investigations