Le 17 juin 2015
Un exemple flagrant du passage en force de l’industrie nucléaire. ou l’art de faire plier la justice pour imposer ses projets
Communiqué de la Coordination-Stop Bugey et de la Fédération anti-nucléaire Bretagne
http://www.stop-bugey.org/ et http://fan-bretagne.org/ contact : Elisabeth Brenière 04 79 65 96 40 / Chantal Cuisnier 06 84 14 58 87
ICEDA*, ces 5 lettres sans doute mystérieuses pour la plupart des habitants de l’agglomération lyonnaise, cachent en fait le nom d’une future poubelle atomique mais aussi la future plaque tournante du trafic des déchets nucléaires sur la commune de St Vulbas (située à 30 km du centre de Lyon et à peine 60 km à vol d’oiseau de Genève). Elle doit accueillir sur la commune de St Vulbas les déchets les plus radioactifs du démantèlement des réacteurs nucléaires comme la cuve de Brennilis dont le débit de dose est estimé en centaine de Sievert par heure. Une dose reçue de 6 Sieverts entraîne la mort. Ce site doit reconditionner tous les déchets qui vont lui parvenir des 20 centrales nucléaires , c’est-à-dire les cisailler, les compresser et sans doute également les déclasser afin de rendre moins coûteux le stockage à long terme. Ces opérations vont générer des rejets gazeux comme le tritium (hydrogène radioactif) jusqu’à 8 fois supérieurs à ceux de la centrale du Bugey. Et les riverains devront supporter le ballet incessant d’au moins 10 convois par mois pendant au moins 50 ans avec le risque d’accident, d’irradiation et de contamination que comporte tout transport de matières radioactives.
Après une enquête bâclée au début de l’été 2006, malgré les protestations de quelques habitants et du conseil municipal de St Vulbas, la création de l’ICEDA est autorisée par décret ministériel en avril 2010. Plusieurs associations de protection de l’environnement **, un serriste, la ville de Genève ont dénoncé devant le Conseil d’Etat tous les manquements du dossier, les insuffisances de l’étude d’impact, les risques falsifiés d’inondation en cas de rupture du barrage du Vouglans, le risque de pollution de la réserve d’eau potable de Lyon sans parler du non respect de la directive européenne 85/337 sur la participation du public. Le devis estimatif du projet frôle curieusement la barre des 300 millions d’euros sans la dépasser ce qui lui permet d’échapper à tout débat public alors que l’ICEDA est la pièce centrale du démantèlement des installations nucléaires qui engage plusieurs milliards d’euros.
Son permis de construire est annulé par 2 fois par le tribunal administratif de Lyon en 2012 pour non respect du PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui spécifiait que : "sont interdites toutes les occupations et utilisations non liées et nécessaires à l’activité de la centrale". Or cette installation doit accueillir les déchets nucléaires de toute la France et des 9 réacteurs en démantèlement (Brennilis, Bugey, Chinon, Chooz, St Laurent, Malville) . Qu’à cela ne tienne, EDF fait pression sur la commune de St Vulbas pour réviser son PLU de façon simplifiée. Avis favorable d’un commissaire complaisant qui acte la dépendance de la commune vis-à-vis d’EDF, « considérant les liens anciens et étroits de la commune de St Vulbas avec EDF, exploitant de la centrale BUGEY, liens non seulement économiques mais sociaux, culturels et sportifs.... ». Un nouveau permis est obtenu dans la foulée. Mais les riverains et la nouvelle association SDN Bugey créée après la catastrophe de Fukushima, réagissent, déposent un recours dénonçant les violations de la procédure accélérée. La justice leur donne raison, rendant la procédure de révision caduque ainsi que le nouveau permis.
Alors peu importe, EDF attaque devant le Conseil d’Etat, le jugement initial d’annulation du premier permis de construire confirmé par 2 fois par le tribunal de Lyon et obtient gain de cause en mars 2014. Le Conseil d’Etat interprète de façon surréaliste "sont interdites toutes les occupations et utilisations non liéees et nécessaire à l’activité de la centrale" du PLU de St Vulbas par "n’imposant pas que ces travaux aient pour objet exclusif de répondre à ses besoins". En clair, le Conseil d’Etat transforme l’interdiction en autorisation totale sous prétexte qu’elle va accueillir un peu les déchets de la centrale du Bugey, elle pourra accueillir donc tous les autres. Tordu, non ? Surtout quand on sait que la rédaction en 2008 de cette interdiction spécifiée dans ce PLU y a été mise pour justement ne pas accueillir les déchets d’ailleurs. Le tribunal de Lyon est contraint de se déjuger et de suivre celui du Conseil d’Etat. Aurions-nous ici la confirmation de « l’Etat nucléaire » comme l’écrit Corinne Lepage dans son dernier livre ?
La construction de l’ICEDA du Bugey va reprendre, en ayant piétiné toute tentative d’ouverture de débat sur la question du démantèlement des installations nucléaires.
Certes, une plainte est en cours devant la commission européenne déposée par les associations en août 2013 pour absence de désignation de l’autorité environnementale, autre entorse que s’est permis le Conseil d’Etat dans son jugement très alambiqué du 1er mars 2013 pour rejeter les argumentations des associations.
La convention d’Aarhus et la directive européenne 85/337 définissent expressément dans leurs annexes que pour les démantèlements et les stockages de déchets nucléaires, la participation du public doit être faite le plus en amont possible du projet quand toutes les options sont possibles.
Depuis l’annulation en juin 2007 du décret de démantèlement complet de la centrale nucléaire de Brennilis pour défaut d’information du public et absence d’enquête publique , les associations soutenues par des milliers de citoyens n’ont eu de cesse de réclamer l’ouverture du débat sur la question du démantèlement (courriers aux ministres, procédures juridiques, pétitions, communiqués etc...) alors que volontairement les projets sont morcellés pour empêcher une vision globale du dispositif Démantèlement, Déchets, Transports qui nous concerne tous.
Le nucléaire a été imposé sans aucun débat démocratique, refusons d’être spoliés de nos droits et exigeons que les textes européens soient respectés : le démantèlement est un problème d’intérêt général qui met en jeu la santé des travailleurs et de la population sans compter les milliards d’euros en jeu dans ce dossier. La moins mauvaise option doit être décidée par les Français de façon démocratique. Et celle de la future plaque tournante ICEDA avec des convois venus de toute la France est la pire des options.
*ICEDA est l’abréviation de Installation de Conditionnement et d’Entreposage des Déchets Activés. ** 1/ AHDE :Association Hiéroise de la Défense de l’Environnement, mairie 2/ CRIIRAD : Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité, 3/ CRILAN : Comité de Réflexion, d’Information et de Lutte anti-nucléaire 4 / Médiane, 5/ Bretagne Vivante 6/ Sortir du nucléaire Cornouaille 7/ Vivre dans les Monts d’Arrée- AE2D Agir pour un Environnement et un Développement Durable s’est jointe à la plainte européenne : lire l’article